Le terme « adjuvant » vient du latin
adjuvare qui signifie aider, assister. Il désigne toute
substance capable d’augmenter et d'orienter la réponse immune
dirigée contre un antigène sans en être la cible. Il existe une
multitude d’adjuvants séparés en deux familles : les agents
immunostimulants qui activent directement les cellules de l’immunité
en se liant à différents récepteurs et les « véhicules » qui,
eux, contiennent l’antigène et déterminent la façon dont il sera
présenté au système immunitaire. Cependant, les véhicules ont
souvent eux-mêmes des propriétés immunostimulantes car ils
constituent des corps étrangers.
Les adjuvants sont utilisés
principalement dans les vaccins. De
nombreux vaccins contiennent, en plus du pathogène, un adjuvant car
la vaccination ne peut imiter parfaitement une infection naturelle.
L'adjuvant déclenche une réaction immunitaire innée, c'est-à-dire
une réaction inflammatoire. Cette réaction inflammatoire, due à la
présence de l'adjuvant, stimule l'activation des cellules
dendritiques, qui phagocytent le pathogène et le dégradent en
antigène. Ces cellules dendritiques migrent vers les ganglions
lymphatiques et présentent l'antigène exposé au sein de leur CMH
aux lymphocytes T CD4+. Ces lymphocytes T auxiliaires activés par
l'antigène stimulent la différenciation des LB en
plasmocytes sécréteurs d'anticorps. Ainsi l'adjuvant du vaccin
déclenche la réaction innée indispensable à l'installation de la
réaction immunitaire adaptative, dont l'intensité est accrue. Le
rôle des adjuvants présents dans les vaccins souligne l'importance
de la coopération entre l'immunité innée et l'immunité acquise.
Les
adjuvants sont donc utilisés pour améliorer la réponse immunitaire
et orienter la réponse immunitaire grâce à la modulation de
l'équilibre lymphocytes T helper 1/lymphocytes T helper 2.
Créatrice : Emma LEGLISE
Pour plus d'informations sur la transduction, voir l'activation des lymphocytes T auxiliaires.
Nous allons développer quelques uns d'entre eux, les plus connus.
Les constituants bactériens :
Ces adjuvants sont constitués de
bactéries entières inactivées.
L’Adjuvant Complet de Freund (ACF)
associe une mycobactérie inactivée par la chaleur, Mycobacterium
tuberculosis,
à l’émulsion huileuse qui constitue l’AIF (Adjuvant Incomplet
de Freund).
Observation microscopique de la bactérie Mycobacterium tuberculosis
http://www.microbiologyinpictures.com/bacteria%20photos/mycobacterium%20tuberculosis%20photos/MYTU20.html
Le muramyl dipeptide
(Nacétylmuramyl-L-alanyl-D-isoglutamine, MDP)
est le plus petit composant de la paroi des mycobactéries comportant
des propriétés adjuvantes. Le MDP permet de réduire les effets
toxiques et allergiques liés à l’utilisation d’extraits bruts.
MDP
http://www.sigmaaldrich.com/catalog/product/sigma/a9519?lang=fr®ion=FR
Le monophosphoryl lipide A (MPL) est un
composant peu toxique qui conserve son efficacité en tant
qu’adjuvant.
Ces adjuvants portent des motifs
moléculaires propres aux bactéries et sont capables d’activer les
mécanismes de défense non spécifiques (l'immunité innée).
Administrer ces composants revient à copier les signes
inflammatoires reçus par le système immunitaire lors d’une
infection bactérienne, et donc à déterminer le type de réponse
spécifique mis en place. Le MDP permet la production d’IL-1.
Administré seul en solution aqueuse, il favorise plutôt la réponse
de type Th2 (Lymphocytes T helper de type 2, synthétisent l'IL-4,
l'IL-6, l'IL-10, l'IL-13 et l'IL-25 permettant la prolifération et
la différenciation des lymphocytes B et la production de certaines
sous-classes d'anticorps. Ainsi les Th2 jouent un rôle dans
l'immunité à médiation humorale et éliminent les pathogènes
extra-cellulaires.). Par contre, les corps bactériens entiers et le
MPL stimulent la réponse de type Th1 (lymphocytes T helper de type
1, produisent l'IL-2 et interféron (IFN) γ.
Les Th1 sont impliqués dans l'activation des macrophages et des lymphocytes T
cytotoxiques et l'élimination des pathogènes intracellulaires.).
Ils interagissent avec des récepteurs TLR (Toll-Like Receptors).
L’ACF est cependant extrêmement
visqueux et donc difficile à injecter, il entraîne l’apparition
d’abcès, de granulomes, et de nécrose cutanée c'est pourquoi il
n'est pas utilisé chez l'homme.
Qu'est-ce
que les TLR (Toll-Like Receptors) ?
Les
TLR jouent un rôle important dans la maturation des cellules
dendritiques. En effet, elle est déclenchée lors de l'infection par
l'interaction de motifs conservés sur les agents pathogènes avec
des molécules qui comprennent les TLR. Il existe 11 membres de la
famille TLR qui reconnaissent des ligands tels que le LPS (TLR4), ARN
double brin (TLR3), et des motifs CpG non méthylés (TLR9). La
maturation des cellules dendritiques grâce à l’interaction des TLR avec leur ligand permet de déclencher plus de TCR et permet ainsi d'augmenter
la durée de vie du complexe peptide-CMH augmentant alors la
stimulation des lymphocytes T.
Les adjuvants minéraux :
Les principaux sont l’hydroxyde
d’aluminium, le phosphate d’aluminium (appelés alum), le
phosphate de potassium et le phosphate de calcium. Ces adjuvants se
présentent sous forme d’un précipité insoluble de type gel, sur
lequel sont adsorbées les protéines antigéniques en solution
aqueuse. Ces protéines interagissent avec les ions du gel par des
forces électrostatiques.
Les sels de calcium et surtout
d’aluminium stimulent la production d’anticorps via l’induction
d’une réponse de type Th2.
Ces types d’adjuvants permettent de
concentrer l’antigène localement et de le présenter sous forme
d’agrégats multimoléculaires, ce qui favorise le captage par les
Cellules Présentatrices d’Antigènes (CPA). Les adjuvants minéraux
peuvent stimuler directement des cellules non spécifiques comme les
macrophages.
Les sels d’aluminium sont les seuls
adjuvants actuellement utilisés dans la médecine humaine. Ils
restent en effet les seuls à avoir démontré une efficacité et une
innocuité suffisantes pour être exploités dans des vaccins.
L’intérêt de l’alum réside
essentiellement dans sa sécurité ; il n’induit que quelques
réactions locales minimes. Contrairement à l’aluminium, le
phosphate de calcium ne constitue pas un corps étranger pour
l’organisme ; il est donc encore mieux toléré et résorbé.
Les saponines et les
«ImmunoStimulating COMplexes » :
Les saponines, substances d’origine
essentiellement végétale, extraites de l’écorce de Quillaja
saponaria molina, un arbre d’Amérique du Sud, sont capables
d’interagir avec le cholestérol pour former des pores dans les
membranes cellulaires. Ces saponines sont retrouvées dans un
adjuvant puissant, l'ISCOM (« ImmunoStimulating COMplexe »). Il
s’agit de structures vésiculaires d’environ 35 nm de diamètre,
ayant l’aspect d’une cage, et facilement préparées en
mélangeant des préparations du Quil-A (préparation standardisée
de saponine), du cholestérol et de la phosphatidylcholine. La
préparation standardisée et le cholestérol forment la structure du
complexe, et la phosphatidylcholine, moins rigide, permet
l’incorporation d’un antigène amphipathique (ayant une partie
hydrophobe et une partie hydrophile) par son domaine hydrophobe. Les
préparations de saponines induisent une réponse de type CTL
(lymphocyte T cytotoxique). Les ISCOMs induisent également une
réponse mixte Th1/Th2, par ciblage des CPA, et sont capables en
particulier de stimuler la présentation des antigènes en
association avec le CMH I (Complexe Majeur d’Histocompatibilité de
type I) aux lymphocytes T cytotoxiques.
Créatrice : Emma LEGLISE
Les adjuvants huileux :
Ils regroupent les différents types
d’émulsions. Une émulsion est un système où deux phases
normalement non miscibles sont dispersées l’une dans l’autre,
cet état étant stabilisé par l’intervention
d’agents tensioactifs. Il
s'agit de composés
qui modifient
la tension superficielle entre deux surfaces. Ce
sont
des molécules amphiphiles, elles présentent deux parties de
polarité différente, l'une lipophile (qui retient les matières
grasses) et apolaire, l'autre hydrophile (miscible dans l'eau) et
polaire. Ils permettent ainsi de solubiliser deux phases non
miscibles, en interagissant avec l'une apolaire, par sa partie
hydrophobe ; tandis qu'avec l'autre phase qui est polaire, il
interagira par sa partie hydrophile.
Les adjuvants huileux classiques sont
des émulsions «eau dans huile », où des gouttes de solution
aqueuse d’antigène hydrophile sont englobées dans une phase
lipophile continue. L’exemple le plus courant est l’AIF, une
émulsion d’huile de paraffine contenant comme émulsifiant
l’Arlacel A (mannide monoleate).
- Émulsion eau dans huile
Elle permettent la libération
progressive de l’antigène au niveau du site d’injection et sa
présentation sur une surface étendue. Elle exerce un effet « corps
étranger » où elle attire les cellules de l’immunité non
spécifique et provoque ainsi une réaction inflammatoire. L’AIF,
version de l’ACF dépourvue de corps bactériens, constitue sans
doute l’émulsion eau dans huile la plus connue et la plus
utilisée. Il induit une meilleure réponse en anticorps mais est
incapable de stimuler les types de réponses cellulaires efficaces
contre les tumeurs et contre beaucoup d’infection virales. Même
s’il n’a pas les effets toxiques de l’ACF, l’AIF peut
provoquer des lésions comparables au site d’injection, et s’avère
potentiellement cancérigène.
Créatrice : Emma LEGLISE
- Émulsion huile dans eau
Ce type d’émulsion permet le captage
des antigènes par les CPA. Ce phénomène de « ciblage » des
cellules dendritiques et des macrophages s’explique par différents
mécanismes : l’antigène incorporé par les CPA est concentré et
protégé contre la dégradation, la phagocytose est stimulée par
différentes interactions ligands-récepteurs. Lors de
l’administration d’une émulsion huile dans eau, la phase aqueuse
continue se disperse rapidement. Les petites gouttes d’huile
libérées transportent l’antigène directement vers les ganglions
via les vaisseaux lymphatiques. L’effet de ciblage et l’effet
dépôt de ce genre d’adjuvant s’exercent donc non seulement au
site d’injection mais aussi au sein même du tissu lymphoïde.
Contrairement aux émulsions eau dans huile, la dispersion rapide
d’une émulsion huile dans eau permet d’éviter la formation de
granulomes et d’abcès autour d’une masse huileuse persistante.
Ces émulsions ont la consistance du lait et sont donc faciles à
injecter. L’incorporation délicate de l’antigène dans une
émulsion préformée permet également d’éviter une dénaturation
partielle et empêche la production d'anticorps non désirés. C’est
en effet ce qui se produit lors de la préparation d’une émulsion
eau dans huile, qui nécessite une homogénéisation vigoureuse. Les
émulsions favorisent la production d’IFNγ par les lymphocytes T
cytotoxiques et Th1, ce qui entraîne une importante production
d’anticorps.
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